Notion de douleur projetée / douleur rapportée
Avant toute chose, quelques notions sont à préciser :
Notre cerveau, le grand chef d’orchestre, donne des ordres et reçoit des informations par le biais des nerfs, moteurs ou sensitifs.
Les douleurs neurologiques (atteintes des nerfs) sont à différencier des inflammations (lésions tissulaires) qui se manifestent aussi par la douleur, mais sont accompagnées de chaleur, de rougeur et de gonflement.
La colonne vertébrale est le siège des nerfs périphériques et sont organisés comme suit :
- les nerfs cérébro-spinaux : ils nous relient au monde extérieur (vie de relation). Ils sont sous le contrôle de la conscience et de la volonté.
- les nerfs crâniens (12 paires) : ils naissent de l’encéphale, puis sortent du crâne par les orifices de la base du crâne. Ils innervent l’extrémité céphalique et le contenu viscéral du cou et du tronc.
- les nerfs rachidiens (31 paires) : ils naissent de la moelle épinière, sortent du canal rachidien par les trous de conjugaison en deux branches. Ils innervent les parois du tronc et les membres. Les nerfs s’entrecroisent, se divisent, s’anastomosent et forment des plexus :
- plexus cervical : de la première à la quatrième vertèbre cervicale ;
- plexus brachial : de la cinquième vertèbre cervicale à la première vertèbre dorsale ;
- plexus lombaire : de la première à la quatrième vertèbre lombaire ;
- plexus sacré : de la cinquième vertèbre lombaire à la quatrième sacrée (les vertèbres sacrées sont soudées).
Ainsi, lorsqu’une racine nerveuse est comprimée, nous ressentons une douleur sur tout ou une partie du trajet du nerf irrité.
C’est ce que nous appelons la douleur rapportée. L’exemple le plus connu au niveau de la névralgie des membres inférieurs est le pincement radiculaire du nerf sciatique ou du nerf fémoral pour la cruralgie.
C’est par exemple le cas pour les personnes souffrant d’une sciatique ou d’une névralgie cervico-brachiale. La lésion du nerf peut venir d’une compression par une discopathie visible à la radiographie, une hernie discale visible à l’irm (imagerie par résonance magnétique), une contracture musculaire, ou un conflit fascial. Dans ces derniers cas, l’action de l’ostéopathe s’avère particulièrement pertinente. L’ostéopathe pourra en effet rééquilibrer les tensions musculaires et redonner aux tissus leur souplesse perdue pour diminuer l’effet de la hernie et soulager l’irradiation.
- Les nerfs sympathiques : ils régissent les fonctions du monde intérieur, indépendamment de la conscience et de la volonté. Ils sont moteurs ordonnant ainsi la contraction musculaire et sensitifs pour les voies de la douleur.
On distingue deux types de douleur :
- la douleur somatique : superficielle ou profonde, elle provient de la peau, des muscles des articulations. Cela concerne le sytème musculo squelettique et être à l’origine d’une contracture musculaire.
- la douleur viscérale : elle provient des structures internes de l’organisme, comme les viscères abdominaux, thoraciques, les organes intra-crâniens et les autres structures profondes. Elle est déclenchée par un étirement extrême des tissus, une ischémie, des substances chimiques irritantes ou des spasmes musculaires. L’absence ou le peu de représentation somatotopique cérébrale pour les viscères explique que la douleur viscérale est diffuse et mal localisée. Nous avons tous constaté que lorsque nous avons mal au ventre, nous ne savons pas bien précisément où se situe la douleur.
Notre hygiène de vie (nous mangeons souvent mal, vite, debout) et le stress que nous subissons mettent bien à mal notre système digestif. On peut donc avoir d’importantes tensions digestives sans qu’une pathologie se soit encore installée. C’est là que l’ostéopathie prend tout son sens, dénouer les tensions viscérales qui font des dégâts à distance.
Lorsque l’on se fait un tour de rein, un faux mouvement et que cela provoque une lombalgie, une dorsalgie, les récepteurs à la douleur (nocicepteurs) vont être stimulés localement. L’information est relayée jusqu’à l’étage vertébral du rachis lombaire correspondant à la zone en souffrance et arrive à une zone de synapse. Pour que l’information nerveuse soit transmise à la moelle épinière, il faut que le stimulus ait été suffisamment fort ou long (pour déclencher un potentiel d’action).
L’information remonte la moelle épinière à partir de l’étage intervertébral et est analysée au niveau du cortex frontal en tant que douleur. Une réponse adaptée à ce stimulus va alors se mettre en place.
Il en va de même pour une douleur viscérale, comme un ulcère gastrique à répétition qui va provoquer des douleurs chroniques par exemple. L’information nerveuse arrive à la moelle épinière, au niveau de la sixième dorsale (entre les omoplates) dans le cas d’un ulcère gastrique, et remonte au cerveau.
Seulement, le cerveau a plusieurs possibilités d’interprétation d’origine de la douleur : soit elle provient en effet de l’estomac, soit elle provient des muscles entre les omoplates. Nous l’avons vu plus haut, le cerveau discrimine beaucoup plus facilement une douleur somatique qu’une douleur viscérale. Il lui sera donc plus aisé d’attribuer l’origine de la douleur à une tension somatique qu’à une raison viscérale.
Ainsi, la personne éprouvera des douleurs dorsales ou des douleurs lombaires, alors que le dos est sain. Dans ces circonstances là, il est fort probable que prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, aspirine), paracétamol ou autres antalgiques ne soient pas suffisant pour soulager les douleurs. Secondairement, à force de stimuli nociceptifs sur l’étage vertébral concerné, les muscles autour de la vertèbre vont finir par se contracter en permanence et devenir douloureux. Cette situation peut donner naissance à un cercle vicieux et s’inscrire dans le temps et donner lieu à des douleurs chroniques. La personne ressentira une douleur en effet localement, mais l’origine de cette douleur ne sera pas le dos !
L’ostéopathe discerne l’origine de la douleur et adapte son traitement à la zone en souffrance. Il peut être également possible qu’une souffrance musculaire se sur-ajoute à des tensions viscérales. D’où l’importance d’établir un examen clinique et des tests spécifiques pour soulager la douleur et de différencier les douleurs abdominales, les douleurs musculaires, et les douleurs articulaires, qu’elles soient aigues ou chroniques
Ce phénomène est connu du grand public dans le cas d’une pathologie cardiaque : la personne ressent des douleurs, des fourmillements voir des engourdissements dans le bras gauche plutôt qu’au niveau du coeur.
C’est ce qu’on appelle la douleur projetée.